Une enquête de l’Alliance Villes emploi (AVE) réalisée auprès des Plie et autres maisons de l’emploi révèle que les structures locales de l’emploi maintiennent elles aussi par télétravail l’accompagnement des usagers et des entreprises. Certaines pratiques initiées pendant le confinement pourraient perdurer au-delà. Anticipation et vigilance sont les maîtres mots face aux probables difficultés liées à la crise économique.
« La force de rebond des structures de l’emploi dans les territoires et leur capacité à être dans une démarche de continuité de services nous impressionnent », reconnaît Lucie Becdelièvre. La déléguée générale de l’Alliance Villes emploi (AVE) fait référence au questionnaire réalisé par AVE auprès de ses adhérents, Plie (plans locaux pour l’insertion et l’emploi) et maisons de l’emploi (MDE), afin de faire un état des lieux de leur situation, capitaliser leurs pratiques et partager leurs expériences.
Il ressort de cette enquête réalisée fin mars/début avril (1) – non encore publiée – que la quasi-totalité des structures pour l’emploi bien que fermées au public ont poursuivi leur activité quasi normalement sur l’ensemble du territoire. La mise en place du télétravail a été particulièrement rapide pour assurer au plus vite la gestion des situations d’urgence. Ainsi, la MDE de Lille, qui porte également le Plie, a mis 140 salariés au télétravail en 48 heures tandis qu’à celle de Bordeaux, les salariés ont installé chez eux leur unité centrale faute d’avoir un ordinateur portable.
Soutien moral
« Cette enquête permet de découvrir les ressources déployées par ces structures de l’emploi et que l’accompagnement à distance même des personnes en insertion est possible », souligne Lucie Becdelièvre. « Avec cependant les limites de l’exercice », prévient-elle.
En effet, le fonctionnement s’opère parfois en mode dégradé du fait des difficultés inhérentes au télétravail (matériels, connexion, présence des enfants, manque d’éléments de réponse aux usagers, fatigue…).
Pour autant, un rythme de croisière a été atteint avec comme objectif principal le maintien du lien avec les bénéficiaires par SMS, mails et téléphone. De fait, « les participants ont besoin d’être soutenus moralement afin de se sentir moins isolés », expriment les sondés. « Ils demandent aussi à être rassurés, notamment sur le maintien de leurs aides financières. » En revanche, toute la partie recherche d’emploi est aujourd’hui « passée au second plan ».
Accompagnement des entreprises
De nombreuses structures ont poursuivi la mise en place d’actions à distance par le biais de visioconférences, webinaires, tutoriels, remises à niveau gratuites et formations en ligne sur les outils numériques ou le code de la route par exemple. Cependant, beaucoup de référents de Plie et de MDE se sont heurtés à des problèmes notamment de matériel des participants (équipements, connexion), certains d’entre eux ne sachant pas utiliser les outils numériques. Ils pointent également la fermeture des structures d’insertion par l’activité économique qui rend impossible les actions de retour à l’emploi.
Quant à l’accompagnement des entreprises, il a consisté à la prise de contact pour évaluer leur situation et identifier leurs besoins, ainsi qu’à la transmission des informations sur les aides disponibles, les solutions de télétravail et les ressources digitales existantes.
Si certaines entreprises ont sollicité les structures de l’emploi pour répondre à leurs besoins de main-d’oeuvre notamment dans les domaines agricole, de la santé, l’agroalimentaire, la logistique, la distribution, de nombreuses autres ont suspendu tous leurs projets de recrutement et même décalé les démarrages des contrats ou annulent des stages.
Redimensionner les structures d’accueil
Reste à savoir combien de temps va réellement durer cette situation. « Beaucoup d’inconnues demeurent à partir de septembre », déplore Lucie Becdelièvre redoutant que certaines difficultés n’empirent dans la durée. Les problèmes de matériel impactant la façon de travailler, « aussi il conviendrait d’investir pour que les salariés disposent d’outils performants », préconise la déléguée générale d’AVE qui souligne également l’enjeu de l’accompagnement des mutations économiques au regard de la crise qui « s’annonce très différenciée selon les territoires et les secteurs d’activité ». « Peut-être faudra-t-il redimensionner les structures d’accueil face à l’augmentation du chômage », anticipe-t-elle.
Mais « il n’est pas forcément nécessaire de tout réinventer », prévient Lucie Becdelièvre. Des pratiques déjà existantes peuvent suffire à l’instar de la GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences) ou encore d’identifier les besoins actuels et à venir, monter des parcours de formation, d’envisager des transferts de compétences entre entreprises (ex : un comptable dans une entreprise de l’événementiel vers une PME du bâtiment)… l’essentiel est d’anticiper.
Autre point de vigilance : le respect des clauses d’insertion sociale dans les contrats « dont il ne faudrait pas exonérer les entreprises du fait de la crise », pointe Lucie Becdelièvre craignant « qu’au nom de la reprise économique la logique d’inclusion et d’insertion passe à la trappe ».
(1) AVE a reçu 51 réponses de 39 structures (31 Plie et 17 maisons de l’emploi) sur les 147 Plie et 82 maisons de l’emploi qui ont reçu le questionnaire.
Des pratiques amenées à perdurerPour Lucie Becdelièvre, certaines pratiques mises en œuvre par contrainte du fait du confinement pourraient perdurer, « car elles vont nous permettre de faire évoluer nos process », reconnaît la déléguée générale d’AVE. Ainsi l’Alliance Villes Emploi prévoit d’organiser désormais à distance une partie de ses sessions de formation à destination de ses adhérents, qui en temps normal se déroulaient systématiquement à Paris. La première se déroulera en mai et s’intéressera au « facilitateur niveau 2 ». « Ce mode de fonctionnement ouvre de nouvelles possibilités en permettant notamment d’accueillir deux fois plus de candidats par session, soit environ 25 personnes », ajoute Lucie Becdelièvre.Par ailleurs, AVE diffuse sur son site web « les bonnes pratiques Covid » mises en avant par les Plie et les MDE. Il peut s’agir d’un kit « urgence sociale » développé par le Plie de Toulouse métropole diffusé dans les réseaux partenaires, d’un projet de marché de nettoyage de bases-vies (cabanes de chantiers) lancé par la métropole lilloise à l’intention des structures d’insertion, d’une action « Soutien TPE » de l’association Transition 64 ou encore de la mise à disposition de salariés entre entreprises organisée par Angers Loire développement. |